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LES MONDES DE L'ARCHITECTE

AOUT 2017 - MA2 - MÉMOIRE DE FIN D'ÉTUDE

Première Mention au Prix du Mémoire La Cambre-Horta-ULB

Ce travail de fin d’études souhaite porter son attention sur ce que nous appellerons « les mondes de l’architecte », au sens où nous porterons notre regard sur la pluralité des groupes professionnels investis par les architectes. Il s’inscrit dans la continuité des travaux menés depuis trois années par l’option Architecture et Sciences Humaines de l’école La Cambre-Horta-ULB. Dix espaces professionnels y ont été investigués par les étudiants, sur base d’une dizaine d’entretiens semi-directifs : les architectes exerçant dans des petites à moyennes agences de deux à quinze personnes ; les architectes-administrateurs ; les architectes membres d’un collectif d’architectes ; les architectes enseignants ; les architectes mandataires à l’Ordre des architectes ; les architectes d’une agence membre de l’association G30 ; les architectes humanitaires ou sociaux-conseils, associés à une voie sociale ; les architectes-immobilier, dirigés vers des métier du champ de l’économie de la construction ; les architectes-artistes, réorientés vers un métier lié au domaine culturel ; les architectes artisans ou constructeurs,  dirigés vers le domaine de l’artisanat et de la construction.

Quel regard porter sur les architectes aujourd’hui ? En nous appuyant sur les nombreux travaux sociologiques réalisés en la matière par F. Champy, G. Tapie, ou encore O. Chadoin, un même constat se dessine, celui de l’hétérogénéité et de la segmentation de cette population, masquées derrière une unité fictive, celle de la profession d’architecte et de son modèle dominant, l’architecte libéral traditionnel. Or ce dernier tend à disparaitre et nous assistons d’une part à l’éclatement de la mission globale de l’architecte chef d’orchestre en missions partielles, mais également à la multiplication des espaces professionnels. En effet, les architectes diplômés sont nombreux à rejoindre les administrations publiques, les associations, l’enseignement, à s’investir dans le domaine de la culture, de l’économie de la construction, de l’artisanat, etc. Au sein même de la profession libérale, les rôles se spécialisent avec l’apparition des figures d’architecte-concepteur, d’architecte-programmateur ou encore d’architecte-urbaniste. Des nouvelles pratiques qui tendent à diversifier toujours plus les commandes, les compétences, les outils, les savoirs et les savoir-faire. Et cela au point qu’il deviendrait délicat de distinguer l’identité, le contour de ce groupe professionnel. 

 

Sur base de ces constats, F. Champy caractérise la profession de menacée. Les architectes seraient incapables de positionner leurs pratiques selon des savoirs et savoir-faire clairement identifiables, et perdraient ainsi, leur rôle de chef d’orchestre pour celui d’un simple technicien. Plutôt que d’évoquer le risque de perte d’identité, G. Tapie, propose de parler de mutation de la profession. Cette dernière fonctionnerait aujourd’hui sur une production collective et négociée aux dépens de l’ancien modèle hiérarchique et où les fonctions de conception du projet architecturales ne sont plus les seules alternatives offertes à l’architecte. Olivier Chadoin, quant à lui, révèle les capacités d’adaptation des architectes aux évolutions. Selon cet auteur, l’indétermination liée au titre d’architecte serait considérée comme « vertueuse » au sens où elle permettrait ces repositionnements et adaptations constantes. L’architecte serait ainsi engagé à toujours redéfinir la nature de ses compétences et de son identité pour faire sa place dans cette nouvelle division du travail.

 

 

L’hypothèse que nous tenterons de développer ici, sur base de la matière recueillie par les étudiants, est de montrer que malgré les processus de spécialisation et de diversification du champ architectural, les frontières entre ces spécialisations, et d’une manière plus générale entre les différents mondes de l’architecte, apparaissent finalement poreuses. En effet, loin de s’articuler comme une série d’activités professionnelles indépendantes les unes des autres, les mondes de l’architectes correspondent davantage à une constellation de fonctions et de tâches parmi lesquelles l’architecte à la possibilité soit de se démultiplier professionnellement, soit de se concentrer sur l’une d’entre elles.

 

Le mémoire se présente en plusieurs parties : une partie introductive détaillera la méthodologie employée ainsi que l’échantillon d’enquête composé des dix espaces professionnels investigués. Nous reviendrons également sur les limites auxquelles ce travail se trouve confronté. 

 

Le chapitre premier aura pour objet d’étudier la situation actuelle de la profession d’architecte. Il s’agit dans un premier temps de saisir les évolutions du travail de l’architecte libéral. Pour ce faire, un détour sera effectué du côté de la sociologie des professions. Nous y développerons les processus à l’origine de l’éclatement du rôle de l’architecte traditionnel en différentes missions, et de la multiplication de dynamiques professionnelles. Nous aborderons ensuite la question identitaire de l’architecte face à ces évolutions, qui rend compte de l’éventail de prises de positions auxquelles la profession est confrontée. Nous clôturerons cette première partie par les débats au sein du corps professionnel, visant à imposer une définition de la pratique architecturale, de son rôle et de son territoire d’intervention.

 

Le second chapitre cherchera à montrer les raisons pour lesquelles les professionnels investissent ces différents métiers de l’architecture. Nous rendrons compte des réactions des différents groupes professionnels face aux réalités sociales de la profession libérale. Tout d’abord, nous nous intéresserons au décalage entre l’imaginaire de l’architecte-artiste, entretenu par les études, et son application dans la pratique libérale. Puis nous évoquerons également la situation socio-économique de l’architecte, ainsi que la difficulté d’y faire sa place. Pour finir, nous montrerons que les différents positionnements professionnels ne résultent pas seulement de la difficulté des réalités sociales de l’architecte, mais qu’ils sont également le produit de choix particuliers et de conceptions plurielles sur la pratique.

 

Les conclusions auxquelles aboutit ce chapitre seront ensuite nuancées et relativisées dans le troisième. Si il apparait possible de discerner certaines tendances en fonction des différents groupes professionnels, l’analyse des trajectoires professionnelles des architectes révèle leur capacité de multiplier les activités. Nous verrons les moyens de mise en œuvre de cette dernière, à la fois par le cumul d’activités dans une même période et dans une ligne temporelle. Nous montrerons comment les frontières entre ces espaces professionnels apparaissent poreuses. En définitive, alors que la profession est entrée dans un processus de spécialisation et de diversification, l’architecte, homme de synthèse, resurgit par un cumul judicieux d’activités issues de ces processus.

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